MA VOCATION DE SŒUR DE NOTRE-DAME
Je suis née à Mouscron en 1935, la plus jeune des 4 enfants d’une famille ordinaire : papa était employé dans une usine textile, maman s’occupait du ménage.
Le lendemain de Noël 1954, nous allons à la retraite, qui se donne chez les SND à Namur. Pour moi, c’est une découverte merveilleuse du Christ. Chaque année, je vais à cette retraite ; nous voyons des sœurs à la chapelle, et soeur Ida nous sert au réfectoire avec les suissesses. Je fais un chemin de croix vers 10 h ; sœur Claire est à la chapelle, elle me remarque et prie pour moi. Je pense « si elle croit que je vais la rejoindre, elle se trompe ! »
Jeune professeur, je n’ai aucune autorité sur mes élèves. Une année, je passe tous les temps libres de la retraite à lire le livre du Père Voillaume « au cœur des masses » : lettres adressées aux Petits Frères de Jésus. Je m’imagine devenir petite Sœur de Jésus ; quand j’en parle à mon confesseur, il me répond « c’est pour échapper à l’enseignement ? tu dois choisir une congrégation enseignante ! » – c’est l’unique fois, sur 7 ans, qu’il me dit « tu dois ».
Je n’ai jamais osé parler de ma vocation à Papa. Vers l’âge de 21 ans, j’en ai parlé à Maman, étonnée de ce que j’avais pu nourrir ce désir en silence pendant 4 ans. Elle écrit à « l’eau vive » qui publie des conseils dans la page féminine de « La libre Belgique ». Un samedi, rentrant de l’école, j’attrape le journal et je vois « Elsa veut entrer au couvent ». Pleine de sympathie pour Elsa, je lis le texte signé ‘une mère perplexe’… sapristi ! c’est de moi qu’on parle ! Heureusement, l’eau vive conseille de me laisser partir. Evidemment, Maman m’observait du coin de l’œil et je lui demande « depuis quand est-ce que je m’appelle Elsa ? » – c’est l’occasion d’une bonne conversation.
Noël 1957 ; j’ai décidé d’entrer au couvent en 1958, mais où ? Lors des activités du patro, nous avons rencontré beaucoup de congrégations. Je confie mon souci au prédicateur de la retraite, il me dit de prier beaucoup. Je dis des ‘je vous salue Marie’ tout au long des corridors ; plus je prie moins je vois clair. En clôture de la retraite, nous chantons un ‘salut’ en latin avec un prêtre et deux enfants de chœur, des jumeaux d’environ 8 ans. Le salut terminé, nous voyons passer dans le chœur deux petites jambes sous la chape du prêtre : un gamin la transporte sous un porte-manteau qui le cache. C’est tellement comique que nous éclatons toutes de rire… nous sortons de la chapelle en riant… et j’oublie mon missel.
Arrivée à la maison, je constate l’oubli : j’écris à ‘très révérende Mère’ pour le redemander ; en même temps, je demande si les SND ont des écoles et des missions. La sœur qui me répond vient de quitter le Congo pour être supérieure provinciale de Belgique : « j’ai offert mon sacrifice pour le recrutement pour la Belgique et le Congo ; votre lettre est une réponse du bon Dieu ! » Oh non ! j’ai seulement demandé des renseignements ! Avec mon missel, on m’a envoyé une petite biographie de Julie Billiart. Mon confesseur sait lire entre les lignes, il est impressionné favorablement. Je réécris aux soeurs ; cette fois c’est sœur Véronique, l’assistante générale, qui me répond « Nous aimerions beaucoup vous avoir avec nous, mais ce désir compte beaucoup moins que la volonté de Dieu sur vous… » A ce moment, c’est décidé ! Je continue à écrire à Sœur Véronique. Elle m’a promis la discrétion, mais m’envoie le ‘petit traité de perfection’ (textes de Ste Julie) comme imprimé sous enveloppe ouverte ; j’ai beau avoir 22 ans, maman ouvre ce livre, ce qui me vaudra une discussion pénible avec toute la famille. Pendant les vacances de Pâques, à la fin d’une session du patro, je vais voir sœur Véronique qui m’accorde plusieurs heures de conversation et je sens que c’est ici que je dois être. Je continuerai à correspondre avec elle.
Sr Marie-Rose Lepers, 13 novembre 2017.
Témoignage complet ici.