Brève histoire d’une vocation
Avec mes 73 ans, j’ai vécu un parcours normal. Rien d’extraordinaire si ce n’est cette « foi en Dieu » qui tient mon cœur en éveil. Nous sommes 5 enfants, trois filles et deux garçons. Je suis l’aînée de la tribu.
Cette foi, reçue de Jésus, transmise par les apôtres et les Saints évangélisateurs de nos régions, comme st Antoine, st Willibrord, ste Apolline, et accueillie dans notre foyer par des parents croyants, ces saints avaient une grande place dans ma vie.
Dieu se sert des autres pour transmettre sa Grâce, ainsi mon père, dès l’enfance a eu un rôle de première importance dans ma relation avec Lui.
Mon père était enseignant dans une petite école de village en région germanophone, Neidingen, près de Saint Vith. A cette époque, dans les années 40,50,60, notre vie au village était faite de joie, de peine, d’entente, de rivalité et de belles fêtes villageoises et religieuses.
Nous n’avions pas de prêtre résidant dans ce village reculé de l’Eifel. Aussi le dimanche matin, papa devait véhiculer le prêtre, venant d’un monastère, vers deux églises à desservir.
Nous l’invitions souvent pour le dîner. Comme enfant, j’écoutais volontiers leurs conversations et en les écoutant, j’éprouvais une grande fierté pour mon père qui connaissait si bien les récits bibliques. Je le voyais comme l’ami et le défenseur du Christ. Souvent il me partagea sa devise: « Qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant mon Père! ».
C’est ainsi que Jésus est entré dans ma vie. Dès l’enfance il devint mon ami et confident.
Dans un endroit, hors du village, était dressé un calvaire avec un petit banc par devant pour se recueillir ou se reposer un instant.
C’était mon lieu de rencontre où Il fut témoin de mes joies, de mes tristesses, de mes angoisses, parfois de mes colères, mais surtout mon affection.
A l’adolescence, je suis partie faire mes études à Bastogne, comme institutrice primo-maternelle. Là, Jésus s’est fait discret jusqu’au jour où son appel fut lancinant « Oui Jésus, je me ferai religieuse ». La même année, j’ai frappé à la porte des Sœurs de Notre Dame, en 1964.
Au postulat, j’ai fréquenté pour la première fois l’Evangile de st Jean. Tout en lisant cet Evangile mon cœur s’enflamma à tel point que le jour où nous devions proposer un nom pour notre prise d’habit, j’ai dit spontanément « Pourquoi pas sr st Jean ». Ce fut ainsi que j’endossais ce nom Nouveau.
Ce que je vais vous confier maintenant est un petit clin d’œil du Seigneur: « Le Seigneur exauce-t-Il notre prière ? » Cela s’est passé en 1975, année que le pape Paul VI a déclaré Jubilaire, « Année Sainte ».
Le premier janvier de cette année 1975, je me suis précipitée à la chapelle pour dire au Seigneur: » En cette année jubilaire, Tu donnes des Grâces à profusion à tous les chrétiens, moi aussi j’en désire une, merci Seigneur » Sans avoir spécifié quoi que ce soit, laissant le Seigneur libre dans sa décision.
Les mois s’écoulent sans grand changement, jusqu’au jour où nous allions partir en retraite à Fayt-lez-Manage. C’était en juillet, nous étions 80 retraitantes. Le Père Bouillot, en nous regardant nous dit:
« Mes sœurs, vous avez déjà fait 10, 20, 30 … retraites, dites-vous que celle-ci sera la meilleure ». En entendant cela je me suis dit: » chiche, pourquoi pas? » Le soir même, nous plongions dans le silence et la prière. Ces journées sont gravées dans mon cœur comme si c’était hier.
Premier jour: exprimer notre reconnaissance envers Dieu et envers les personnes auxquelles nous ne pensons pas. Le lendemain, jour du pardon, savoir pardonner, du fond du cœur aux personnes contre qui vous avez une rancune. Ce n’était pas facile, mais j’obéis à la consigne: faire tout ce qui nous était demandé. Ce soir-là, à l’Eucharistie, le Seigneur m’a fait pleurer longuement pour nettoyer mon cœur.
Le jour où nous contemplions Jésus en croix j’ai souffert de le voir ainsi et dans l’intime de mon cœur, j’ai redonné mon « oui », un oui de gratitude. Sa réponse fut soudaine et inattendue, son Amour s’engouffra en mon âme pour envahir tout mon être. Là j’ai touché la Présence divine. Dieu nous aime et nous veut heureux, à condition de vivre Sa Parole: « Aimer Dieu et son prochain comme soi-même ».
Dieu a répondu à ma prière, à son heure et dans son lieu. Faisons-Lui confiance et aimons-Le.
Soeur Saint Jean (Nicole Schutz), Novembre 2017.