Souvenirs d’enfance de Françoise :
De temps en temps, pour égayer ses sœurs durant la récréation, Françoise, devenue Supérieure de l’Institut, se laissait dire et contait naïvement des traits de son enfance. Tous ces témoignages ont été récoltés dans les Archives générales de la congrégation pour l’introduction de la cause des deux fondatrices en 1880. Voici quelques portraits de la petite Marie-Louise Françoise Blin de Bourdon, petite fille volontaire et parfois obstinée.
« Enfant, j’avais une grande pente à l’entêtement, racontait Françoise à ses Soeurs. Il m’avait été défendu de courir sur une terrasse du jardin qui offrait du danger. Un jour, je m’obstinais à y monter jusqu’à six fois en criant à tue-tête : « J’y monterai, parce que je le veux ! » Ma grand-mère ne perdit pas de contenance et, avec le plus grand calme, elle réitéra six fois la punition dont elle m’avait menacée en cas de délit. » (Souvenirs recueillis par des contemporains – Archives de l’Institut)
« Je fus longtemps, dit Françoise, une enfant difficile, et parfois terrible. J’avais le tort, disait-elle, de jouer de temps en temps des niches de ma grand-mère, elle pourtant si bonne pour moi ! Elle avait de jolis souliers à rosette qu’elle aimait beaucoup et qui étaient fort à la mode à cette époque. « Et moi, petite méchante, je me chausse de ses souliers, je cours à l’étang, dans la boue qui le borde, et reviens comme en triomphe, montrer la jolie chaussure couverte de terre et d’eau. Bonne Maman me gronde. Je pleure. Mais ma contrition fut courte, car je me disais aussitôt : Pourquoi me mettre en peine ? Je n’ai pas pêché. Salir une chaussure, ce n’est point souiller son âme… Et je ne pensais pas que j’avais tourmenté cette excellente Mère qui s’ingéniait à me rendre heureuse. » (Souvenirs d’un voyage – Archives de l’Institut)
Mademoiselle Ursule, la gouvernante de Françoise au château de Gézaincourt, nous raconte : Lors d’une visite que Françoise fit au Carmel, les bonnes religieuses la mirent pour l’amuser dans la tour et l’y laissèrent quelques minutes, trop longues à son gré : elle n’avait alors aucun attrait pour la réclusion. Elle cria, elle trépigna pour qu’on vînt la libérer : « Est-ce que le bon Dieu est content quand on tourmente les petits enfants ! » dit-elle avec un sérieux comique qui provoqua l’hilarité générale.
Peu à peu l’amour de Dieu prit l’entière possession de l’âme de la petite fille. En jouant un jour le long des parterres de fleurs, Françoise, à peine âgée de cinq ans, fut piquée par une guêpe et se mit à jeter de hauts cris. Pour l’apaiser, Mademoiselle Ursule l’exhorta à endurer son mal en expiation de ses pêchés. « Je n’ai pas encore pêché, Bonne maman me l’a dit, fit-elle en essuyant ses larmes ; mais par amour pour l’Enfant Jésus, je ne pleurerai plus », et elle tint parole.
Un jour, elle demanda à sa gouvernante : « Que peut-on dire la deuxième fois que l’on va se confesser ? » Son esprit logique lui faisait comprendre qu’on n’offense pas une seconde fois Celui qui a généreusement accordé son pardon. Aussi depuis ce jour, attestait Mademoiselle Ursule, on ne remarqua plus de désobéissance obstinée dans cette chère enfant qui était indéniablement attirée vers le bien.